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INDEMNISATION DES PREJUDICES: MYTHES ET RÉALITÉ

Dans l’imaginaire collectif, fortement conforté par les séries américaines, un dommage subi peut donner lieu à une indemnisation astronomique ou pour reprendre les propos de certains justiciables « à six chiffres » et ce, même lorsque le dommage est minime. Ainsi, un accident de la vie pourrait selon cette croyance entraîner l’enrichissement de la personne qui en a été victime. Or, le droit français ne reconnait pas les dommages et intérêts punitifs que les séries américaines illustrent. Les dommages et intérêts octroyés par les juges français ne visent donc pas à « punir » le responsable mais, à compenser les conséquences du fait dommageable. Ainsi, si le droit français ne s’oppose pas à des indemnisations « à six chiffres », ces indemnisations doivent être justifiées. En effet, dans le domaine de l’indemnisation des préjudices et plus particulièrement des préjudices corporels (hors accidents du travail), le principe est celui de la réparation intégrale sans perte ni profit. Ainsi, la victime doit se voir replacée dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s’était pas produit. L’indemnisation correspondra donc aux préjudices subis et rien que les préjudices subis. Ainsi, le rôle de l’avocat sera non pas d’obtenir un enrichissement de la personne lésée, mais de réussir à réaliser une projection suffisamment précise de ce qu’aurait été sa vie si le dommage ne s’était pas produit, afin que l’intégralité de ses préjudices actuels et futurs soient indemnisés. Plutôt qu’un enrichissement, il s’agira donc davantage d’effacer les conséquences pécuniaires de l’accident. Cela est facilement intelligible lorsqu’il est question d’indemniser des préjudices patrimoniaux (qui touchent au matériel) mais l’est un peu moins lorsqu’il s’agit d’indemniser des préjudices extrapatrimoniaux (moraux). Ce deuxième sujet particulièrement sensible notamment lorsque le dommage a causé une perte humaine, fera l’objet d’une autre publication.

RÉPARATION DES PRÉJUDICES MORAUX: L'ÉTERNEL COMBAT ENTRE DÉCENCE ET UTOPIE

Lorsque le préjudice subi est matériel, sa réparation est facile à appréhender. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de réparer un préjudice moral, ou pour reprendre la dichotomie traditionnelle « un préjudice extrapatrimonial », la tâche devient plus complexe. Les préjudices extrapatrimoniaux comprennent notamment, le préjudice d’agrément constitué par l’arrêt ou la réduction de la pratique d’une activité sportive ou de loisir, le préjudice esthétique correspondant à l’altération de l’image corporelle de la victime ou encore le préjudice sexuel qui existe selon trois formes allant de l’atteinte morphologique à l’impossibilité de procréer en passant par la perte de plaisir. Ces trois préjudices doivent être réparés de façon intégrale comme cela a été expliqué dans l’article précédent. Bien que cet objectif soit difficile à réaliser s’agissant par principe de préjudices très subjectifs (que chacun vivra selon ses propres capacités de résilience), il n’en demeure pas moins que le préjudice moral de perte d’un proche qualifié de préjudice d’affection reste le plus épineux. Quel est le prix de la perte d’un conjoint ou d’un enfant ? Lorsque la victime décède du fait de ses blessures, ses proches deviennent des victimes par ricochet et peuvent à ce titre prétendre à l’indemnisation de différents préjudices dont le plus important pour eux est le préjudice d’affection. En règle générale, ces victimes par ricochet pensent que le caractère incommensurable de leur douleur donnera lieu à une indemnisation très forte d’une part pour essayer de compenser cette douleur (qui ne le sera en réalité jamais), mais surtout, pour punir d’une certaine manière l’auteur des faits à l’origine de cette perte. Les victimes par ricochet tombent donc des nues lorsqu’il leur est expliqué que les juridictions indemnisent en moyenne la perte d’un conjoint selon une fourchette allant de 20.000€ à 30.000€, tout comme celle d’un enfant mineur vivant sous le même toit que son ou ses parent(s). Que faire en tant que professionnel ? Il appartient à l’avocat d’une part, de les informer d’emblée de cette donnée afin de leur éviter toute déconvenue le jour de l’audience puis, de la décision, et d’autre part, d’essayer lorsque le deuil de la victime par ricochet lui paraît tellement lourd qu’il peut être qualifié de pathologique, de solliciter une indemnisation complémentaire. Cette deuxième démarche ne pourra aboutir qu’après une expertise médicale réalisée dans un cadre judiciaire par un médecin-expert. L’indemnisation de la perte d’un proche doit-elle être abandonnée ? Par conséquent, le principe de réparation intégrale peut s’avérer utopique face à certains postes de préjudices et notamment face à ceux qui sont éminemment subjectifs, comme le préjudice d’affection en lien avec la perte d’un proche. Pour autant, l’indemnisation de tels préjudices doit se poursuivre en ayant à l’esprit qu’il s’agira pour certains d’eux non pas de « compenser » le préjudice comme cela est possible pour une perte de revenus mais, d’aider à « réparer » au sens noble du terme une atteinte ou une perte.

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